Identifier une problématique.
Charles Foucault exprime cette étrange familiarité que nous pouvons entretenir avec notre corps. Ce corps “paradoxe” va devenir un thème crucial dans mon parcours.
Au départ de cette curiosité, une difficulté personnelle vécue lors de mon cursus en arts de la parole dans une École supérieure d’art. A l’époque, mes enseignants me reprochaient de ne pas habiter mon corps. Chemin faisant, j’ai appris à fréquenter l’étranger, à l’apprivoiser, à incarner davantage, à tendre vers “l’athlétisme affectif” dont Artaud parle dans son livre “le théâtre et son double” et je me suis passionnée pour cette thématique.
Mon corps, lourd de son histoire, de ses imperfections et de ses singularités, s’est révélé être un partenaire de jeu loquace, mais aussi, une source inattendue de créativité. Plus j’osais investiguer cette matière, plus j’entrevoyais de possibilités et plus j’en apprenais sur moi. Très vite, j’ai eu l’envie de tester cette approche sur d’autres qui, peut-être, comme moi hier, n'investissaient pas pleinement leur corps. Je souhaitais cela, d’une part pour évaluer l’universalité de la démarche, mais aussi, pour l’enrichir. Ainsi, à compter de ce moment, mes propositions artistiques, d’enseignement ou de mise en scène inclurent largement l’exploration corporelle.
Cette volonté nouvelle s’est, pourtant, rapidement heurtée à la difficulté d’un côté, des non-initiés à se laisser totalement emporter par le voyage et d'un autre côté, à mon inhabilité à les motiver à embarquer.
Contenu bande son : "Constat."
“ Ce que je vois davantage aujourd’hui c’est un corps, un flamboiement de ce que j’ai beaucoup appelé dans mes livres une humanité assise. “ David Le Breton, il est sociologue et anthropologue spécialiste du corps “ Cette humanité majoritaire aujourd’hui de gens qui se lèvent le matin pour s'asseoir derrière le volant de leur voiture, qui vont s’installer derrière leur écran dans leur bureau et qui le soir viennent heu regardent leur télévision et donc là, on a l’impression que c’est une humanité pour laquelle le corps est devenu presque superflu. Le corps n’est plus qu’ un instrument utilitaire qui permet de se déplacer, de se mouvoir, de pianoter sur son ordi ou son portable ou de conduire sa voiture, mais on a l’impression que il ne sert pas à grand chose d’autre.” Marie-Ève Rouleau, psychologue au CIUSSS “ Quand on traverse une période de grand stress, on a tendance plutôt à être beaucoup dans l’action ou encore beaucoup dans sa tête. Puis, on se coupe des signaux super importants que notre corps nous envoie pour prendre soin de nous. Je vous inviterai , d’ailleurs , en ce moment, à vous arrêter, puis, à vous demander ben votre corps, qu'est-ce qui vous dit en ce moment ? Vous avez probablement des tensions musculaires, peut-être de la fatigue, vous avez peut-être faim, des difficultés digestives… Peu importe, tous ces signaux-là sont là pour vous informer, en fait, pour vous dire prenez soin de vous”.
Extrait Vendredi 17 avril : Habiter son corps - podcast de Binge Audio . https://youtu.be/m5JPxn5T8P0 consulté le 20.11.2020
Extrait de la série de capsules vidéos animées par les psychologues du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. https://youtu.be/XLQAWkQxTog consulté le 20.11.2020
Ce corps souvent déserté effraie, intimide ou refroidit et l’expression du corps, quant à elle, s’avère être, couramment, réprimée à la faveur des lumières de l’esprit. “Parler sur” plutôt que “vivre” est souvent le point de fuite au sein de mes interventions.
D’où provient, donc, cette réticence à se laisser-aller au corps? Pourquoi ne pas faire confiance à cette machinerie complexe si bien huilée? C’est à ces questions que j’ai souhaité apporter un éclairage en organisant les éléments suivants. Toutefois, je ne prétends pas, ici, résoudre cette problématique antique, mais juste faire trace d’un cheminement.